Ce qui s’est dit… le 13/07/2015
« OMAR SHARIF ou le mirage d’Arabie », un moustachu qui n’a jamais rien fait de mal.
Égyptien d’origine libanaise, né en 1932, à Alexandrie, Omar Sharif est une star de cinéma à 23 ans. Quand il ne tourne pas, il tente sa chance, ou assouvit sa passion pour le jeu, dans les casinos du monde entier où il trompe l’ennui, sur les champs de courses ou assis à une table de bridge. Quand il arrive sous la tente au milieu du désert, en Jordanie, où le réalisateur de Lawrence d’Arabie, à un mois du début du tournage, l’attend pour l’examiner de plus près, l’acteur Michel Demitri Chaloub s’appelle Omar el-Sharif. Il a changé d’identité sept ans plus tôt, suivant le conseil du réalisateur Youssef Chahine, qui l’a révélé au début des années 1950. L’idée est de vendre son poulain aux Occidentaux. Pour ne pas se fermer les portes du succès inutilement, Omar ne porte pas de moustache à cette époque. Celle du président Nasser déplaît suffisamment aux pays du Nord.
Mais David Lean qui n’a toujours pipé mot depuis l’arrivée de sa future star décide de lui en faire poser une pour voir. Le test est concluant. Embauché, grâce au refus d’Alain Delon, Omar est prié de ne pas se raser et de revenir au plus vite retrouver l’équipe du film. Dans le désert, ils tournent isolés de tout pendant un an. Le film deviendra l’une des plus grandes fresques cinématographiques de tous les temps. Un rôle moustachu pour l’Égyptien qui lui vaudra d’être nommé pour l’Oscar du second rôle en 1963 et d’obtenir le Golden Globe dans la même catégorie, cette même année. Sa carrière internationale est lancée. Une fois n’est pas coutume, notons que la récompense est attribuée à un moustachu qui n’a pas un rôle de crapule.
Omar Sharif a ensuite enchaîné d’excellents films (La Nuit des généraux, Mayerling, Mayrig, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, pour lequel il est récompensé du César du meilleur acteur en 2004…) et d’autres qui permettent d’éponger ses dettes de jeu. Sa passion pour les casinos est la meilleure manière qu’il ait trouvé pour tuer le temps sans être ridicule quand on est seul. De chambres d’hôtels en journées de tournage, d’aventures d’un soir en nuits à jouer au Baccara, il traîne une solitude enchâssée dans le bruit et l’agitation du monde. Divorcé depuis 1971, éloigné de Tarek, son fils unique, dépassé par les évènements, il n’a jamais su reconstruire sa vie. Omar Sharif poursuit cette longue traversée du désert entamée il y a plus de 50 ans, le jour où un grand réalisateur anglais lui donna le rôle d’un chef rebelle arabe en guerre contre les Turcs, condamné à érrer pour rejoindre les siens.
PAR GONZAGUE DUPLEIX