Ce qui s’est dit… le 22/05/2017
Nez part à la conquête du monde anglophone. Premier arrêt : New-York, épisode 3.
Première vraie journée Snifapalooza, l’occasion pour Dominique Brunel et Mathieu Chévara de se jeter à l’eau et de mesurer l’accueil de Nez in english par un public de passionnés et de professionnels américains.
8h30
Ce matin, le Gin Tonic de Twisted Lily pique les yeux et tape sur les tempes. L’écart de température est clairement étonnant : c’est définitivement l’été. On doit être à 9h chez Bergdorf Goodman, lieu mythique du raffinement new-yorkais, les 60 exemplaires de Nez sont encore en carton et on arrive péniblement à mettre de côté notre gramme d’alcool pour arriver à la conclusion que le transport en valise à roulettes s’impose.
9h30
On débarque au niveau -1 de ce temple du luxe, après être passé devant la Trump Tower, impressionné par la dimension pharaonique du bâtiment. L’énergie palpable de Manhattan nous avait presque fait oublier cette ombre pourtant bien sombre au tableau. L’espace parfumerie du (très) grand magasin à beau être l’un des mieux achalandé de la ville, il s’organise exactement comme les autres : hôtesses et hôtes un peu insistants, odeur lourde de mélanges olfactifs en tout genre, sacralisation du flacon dans des mises en scènes au goût pour le moins étonnant, etc. J’espère que la matinée ne va pas être trop longue…
On retrouve certaines et certains croisés la veille, le nez absorbé par leurs touches. D’autres perfume lovers inconnus les ont rejoints, dont une femme affichant une composition de flacons tatouée sur la surface entière de son dos : on passe de la passion au fanatisme, le ton est donné.
L’acheteur de l’étage vient nous saluer, semble apprécier la revue mais n’imagine pas un instant qu’on puisse vendre ici autre chose que du parfum, des savons et des bougies. Un peu comme si apporter un éclairage culturel aux consommateurs allaient les rendre réticents à l’achat des produits décryptés dans la revue.
Il nous envoie au 7e étage où un corner dédié aux livres a été aménagé autour d’une installation d’animaux recouverts de compositions colorées en points de croix. Rien que ça.
L’intérêt pour Nez est cependant plus palpable, bien que les 24 dollars affichés semblent un peu légers au regard de la clientèle. Ici, on recouvre le tarif de base avec des étiquettes spéciales, pour afficher des prix époustouflants : 90 dollars le moindre petit livre de cuisine, on serait presque vexé que Nez ne se vende pas au minimum à 150 dollars ! Retour au -1 où chaque vendeur y va de son storytelling alambiqué pour faire sentir ses meilleurs fragrances à un public aux yeux ronds et aux narines écarquillées. Entre deux stands, on tombe sur un flacon de la ligne de Stark signé de sa main. Respect.
13h00
La French Brasserie 8 1/2 accueille tous les participants au déjeuner, dont certains comme nous tâchent d’organiser un petit bout de table pour présenter leurs produits. On chiade la mise en scène, sur un fond de papier peint faisant parfaitement écho à la moquette et la clim poussé à fond les ballons. La première conférence est présentée par Chandler Burr, figure mythique de la parfumerie, qui a pour effet de figer les expressions habituellement bonhommes de Dominique, un peu comme s’il avait surpris le Père Noël au pied du sapin. Chandler, bermudas et chemises comme s’il était déjà en vacances dans les Hamptons, raconte le long cheminement de la création de You or Someone Like You d’État libre d’Orange, faisant tourner les touches comme ailleurs on s’échange un joint : y’en aura pour tout le monde ! Je comprends mieux le travail délicat qui s’organise autour de la création d’un parfum, éprouvant les variations parfois très nettes. Les préférences identifiées au moment de la découverte de telle et telle étape évoluent de manière surprenante à mesure qu’on laisse reposer la touche sur le coin de la table.
S’enchainent ensuite des présentations à l’intérêt très variable, portée par une approche décomplexée de l’autosatisfaction et du storytelling, un petit show à l’américaine pour petits Français coincés. On se faufile entre deux intervenants pour retrouver les 25° C ensoleillés de l’extérieur. Chandler Burr s’échappe aussi, l’occasion de faire une photo souvenir. Son français est impeccable, on le laisse partir avec toute la collection. Dominique va passer quelques bonnes minutes à se remettre émotionnellement de cette expérience.
14h30
Ça commence à être long dites-donc. Notre voisine de table, fidèle de l’événement, a prévu un Tetra Pak de vin rouge pour compléter le verre unique qui nous a été offert entre l’entrée et le plat de résistance. Elle nous en fait discrètement profiter en remplissant nos verres sous la table. À la dégustation, le breuvage est clairement à l’image de son conditionnement. Karen prend le micro pour introduire notre présentation, j’entends en m’approchant d’elle, des « Gorgeous, amazing, incredible, fantastic », qui mettent clairement la pression. Dominique a déjà présenté vingt fois la revue depuis notre arrivée : il parle, je tourne les pages délicatement, une prise de parole inspirée de Christian Morin et d’Annie Pujol dans la Roue de la fortune. La French touch. Beaucoup s’étonnent que l’on prononce « Né » et non pas « Nèze ». Rhaaa, ces Américains… À peine la présentation terminée, les acheteurs arrivent à grand renfort de Visa et d’American Express. Dominique parle toujours, je rentre les coordonnées bancaires dans le terminal de paiement. Ça chauffe ! Pas le temps de relever les yeux de l’écran, le stock de Nez est parti en dollars.
16h30
On sort enfin de ce frigo en sous-sol, des aventures de parfumeurs par paquet de dix, des vertes comme des pas mûres, les narines chatouillées par le trop plein de plumes de paon qui ont circulé pour transporter les parfums des invités. On remonte sur le côté Est de Central Park vers la boutique Annick Goutal, où il était question de manger d’authentiques chouquettes et de retrouver tout ce petit monde.
Les parfums récents de la marque, sucrés comme des berlingots pendant une fête foraine, croisent ceux qui ont fait la notoriété de la marque, pour de bonnes raisons, semble me chuchoter mon nez à l’oreille. On est cuit et collant, on quitte rapidement les lieux pour East Village et ses cocktails anti-jetlag, avant de se laisser nonchalamment reconduire dans nos quartiers par un chauffeur qui tweete au volant…