Ce qui s’est dit… le 19/11/2013
L’histoire de l’art
guidant les Femen
“Sauf qu’ici la nouvelle maison d’édition Le Contrepoint propose établit un rapport entre des photos du mouvement féministe et des œuvres d’art célèbres. «Au-delà des nombreux débats et contradictions relayés par les médias, une iconographie spécifique a progressivement émergé des interventions spectaculaires portées par ces militantes aux seins nus, dont l’écho résonne jusque dans le champ sacré de l’histoire de l’art», se justifie l’éditeur. A chaque mois donc une image de l’Agence France Presse de l’une des manifs de ces féministes est associée avec un tableau ou une sculpture. Le tout est commenté par Julien Blanpied, assistant d’exposition au Mac/Val. A la page d’avril 2014, Oksana Chatchko, une des fondatrices du mouvement, est malmenée par des policiers, les bras écartés lors d’une protestation devant l’ambassade tunisienne. Une position qui rappellerait celle de Jésus Christ dans La descente de Croix, de Pierre le Brun. Si Julien Blanpied note que les Femen remettent en cause la place des religions dans nos sociétés, il juge «qu’en dépit des volontés des militantes de terrain, les photographes en charge de couvrir les événements ont parfois capturé des scènes troublantes, dans lesquelles la culture chrétienne se fraye un improbable chemin.» Parfois les comparaisons sont improbables, comme ces activistes ressemblant aux colonnes de Buren car elles portent des caleçons blancs et noirs. Mais comme l’art de la critique d’art est de toujours retomber sur ses pattes, l’auteur nous propose de remplacer dans un texte de Daniel Buren le terme «bandes verticales» par «seins».
Et cela marche pas mal : «Les bandes verticales, je ne le répéterai jamais assez, ne se montrent jamais pour elles-mêmes, ne sont jamais autonomes, mais toujours par rapport à… en rapport avec…, en harmonie avec… perturbées par… définies par…[…] définissant ceci… définissant cela… etc.» Attendue, la Liberté guidant le peuple de Delacroix n’est pas oubliée, en écho avec Sasha Shevchenko, enserrée par des policiers ukrainiens, criant sa colère.
Dans l’idée, l’exercice est intéressant mais cela a du mal, malheureusement, à dépasser cette dimension. On aurait voulu en lire plus que les quelques lignes consacrées à chaque comparaison. Analyser la manière dont une iconographie moderne s’inscrit, volontairement ou non, dans une histoire plus large de l’image, est toujours passionnant. Là, le proposer sous le format du calendrier ressemble davantage à un coup commercial de la part des éditions Le Contrepoint pour se lancer plutôt qu’une réelle mise en perspective. Surtout que les Femen n’ont pas été associées au projet. Et si en soi l’éditeur a tout à fait le droit de payer des photos AFP et de les commenter, le titre, Femen 2014, et la place accordée aux images des activistes (en grand) vis-à-vis de celle des œuvres (en petit) donne l’impression fausse que c’est le calendrier 2014 officiel de l’organisation d’origine ukrainienne.”